samedi, novembre 03, 2007

Neil Young Vs Lynyrd Kynyrd : aujourd'hui on fait du Wikipedia.

Combien de mensonges et d'inexactitudes sur cette fameuse histoire opposant Neil Young à Lynyrd Skynyrd ? De Yahoo IQ, où les Sudistes sont traités de sympathisants du KKK, à Wikipedia, où la discographie du Canadien est était maltraitée, le flou et la rumeur embourbent la Toile. Plutôt que de le déplorer, j'ai fait mon Maître Collard (j'ai ici une enveloppe...) et pris mon clavier pour rétablir quelques faits. Sources à l'appui. L'action valant toujours mieux que la critique du feignant, non ?

L'Affaire, avec un A majuscule, se déroule en 5 actes, et débute, comme dans toute bonne histoire, par l'Acte... 1.

NB : tous les players de ce billet dirigent vers le site de diffusion légale Deezer.com.

Acte 1 : Southern Man

Neil Young est certes un Canadien bucolique, amoureux de la Nature, un poète que les forêts enneigées, les routes solitaires et les rivières au printemps inspirent.

Mais il est aussi un des chanteurs anglophones les plus engagés, toujours prêt à donner de son temps et à prendre sa guitare en bois magique pour dénoncer ce qui ne tourne pas rond. La misère. La guerre. La violence. Le mensonge politique. La pluie qui mouille diront certains.

En cette année 1970, Neil Young sort son troisième album, premier chef d'œuvre d'une longue liste de diamants bruts : After The Gold Rush.

La piste 4 est un premier coup de boutoir contre le racisme ordinaire en vigueur dans les états du Sud Américain où la ségrégation et l'esclavage ont alors de beaux restes.

Southern Man ne fait pas dans le message codé : "Southern man, better keep your head, don't forget what your good book said. Southern change gonna come at last. Now your crosses are burning fast Southern man."
Retirez la musique, vous avez une déclaration de guerre : "Sudiste, tu ferais mieux de garder ta tête. N'oublie pas ce que ton Livre Sacré a dit. Le Changement va arriver. Tes croix de feu n'en ont plus pour longtemps, Sudiste !". Et ce n'est que le refrain.


Fin de l'acte 1.

Acte 2 : Alabama

Un an et demi plus tard, Neil Young remet le couvert. Cette fois il ne se contente plus d'une attaque globale. Il affine le tir. Il vise et il touche.

Son quatrième album, son plus beau - un monument de la culture Nord Américaine, inclut Alabama.
Harvest est une suite de compositions magnifiques sur la Nature, le sens de la vie et les relations inextricables entre les êtres humains, notamment entre hommes et femmes.

Du coup Alabama claque comme un coup de fusil.

Parce qu'il dénote sur l'album, parce qu'il est une attaque politique dans un océan de calme, et surtout parce que l'orchestration est brute de décoffrage. A la Sudiste "Old-school" : un groupe, un studio basique, des guitares à peine accordées, quelques fausses notes dans le chant d'un Neil Young qui sait qu'il se colle du monde à dos en mettant, légitimement, le feu aux poudres.


Et pas qu'à moitié : "Alabama, est-ce que je peux venir te voir et te serrer la main ? Faire ami-ami avec toi ? Moi qui viens d'une terre nouvelle, quand je vais chez toi, je ne vois que des ruines. Qu'est-ce que tu foues Alabama ? Tu avais le reste de l'Union pour t'aider. Qu'est-ce qu'y tourne pas rond chez toi ?".

Fin virile de l'acte 2.

Acte 3 : Sweet Home Alabama

Oui mais voila, en Alabama il n'y a pas que des Rednecks. L'attaque de Neil Young en énerve plus d'un, à commencer par un groupe de rockeurs n'ayant aucune attitude raciste et encore moins de lien avec le Ku Klux Klan.

Simplement ils sont Sudistes. Ils sont nés en Alabama et ils en sont fiers. Ils aiment leur Etat. Leur culture. Et ils détestent la caricature au lance-flamme qu'en fait le songwriter Canadien.

Lynyrd Skynyrd ne va pas se gêner pour le lui faire savoir et renvoyer la politesse au Nordiste avec la même modération que l'envoyeur. Certains y verront une menace à peine voilée et une forme d'interdiction de séjour. "J'ai entendu chanter Monsieur Young sur l'Alabama. J'ai entendu le vieux Neil la pourrir. Et bien, j'espère que Neil Young se souviendra que les Sudistes n'ont de toute façon pas besoin de lui dans le coin."



Ce n'était pas la vérité.
Mais l'Affaire était née avec son cortège de légendes. Les deux partie ayant tout fait pour.
Fin de l'acte 3.

Acte 4 : Walk On

1974. Neil Young déprime. Sa vie devient une suite d'épreuves douloureuses (mort de son guitariste, maladie mentale et motrice de son fils, addiction à la cocaïne). Pour ne rien arranger, il est frappé de crises d'épilepsie.

Sort donc On The Beach. Le ton est sombre. Trois blues lugubres y figurent.
Neil Young a visiblement d'autres chats à fouetter que de répondre à Lynyrd Skynyrd... pourrait-on croire.

Pourtant en introduction de cet album dépressif, Neil Young colle une petite chanson presque enjouée de 2 minutes : Walk On.
Ni revendicatrice, ni revancharde dans le ton, on y entend que "some people been talking me down [...] They do their thing, I'll do mine. [...] I can't tell them how to feel." avant de terminer sur un énigmatique "Some get stoned, some get strange. But sooner or later it all gets real."
Un jour où l'autre nous seront tous mort ? Ou un jour ou l'autre nous serons tous dans le vrai ?

Difficile de trancher dans ce que Neil Young veut dire. Mais le fait est là. Ce n'est pas une attaque. C'est même l'inverse. "Chacun fait son truc. Je ne dis à personne comment se sentir. "



Pourtant, à la fin de l'acte 4, l'affaire ne cesse de grossir.
Pourtant Lynyrd Skynyrd fait plus qu'accepter la main tendue et enterre la hache de guerre
Avant de se scratcher et d'aller voir au ciel si les oiseaux y sont vraiment plus libres que sur terre.
Pourtant...

Acte 5 : ce que l'on ne dit jamais.

Les ragots, mythes infondées et autres diffamations qui nourrissent le petit jeu du "toi tu choisis Neil Young ou Lynyrd Skynyrd ?" pullulent sur le Net. Il a donc fallu se coller à la rectification de Wikipedia, qui maintenant dit la vérité :

Cette querelle devient amicale et, après avoir répondu à son tour avec la chanson « Walk On », Neil Young composera trois chansons - « Powderfinger », « Sedan Delivery » et « Captain Kennedy » - qu'il proposera au groupe. Ronnie Van Zant retiendra la première pour figurer sur un futur LP qu'il ne pourra malheureusement jamais réaliser. La chanson fut finalement enregistrée par Neil Young sur Rust Never Sleeps (1979), album où l'on trouve également « Sedan Delivery », tandis qu'un an plus tard il immortalisa « Captain Kennedy » sur Hawks & Doves (1980).
Neil Young explique qu'il a ainsi rendu hommage à un groupe qu'il aime et qu'il respecte. Il le prouvera d'ailleurs plusieurs fois en concert en interprétant « Sweet Home Alabama » qu'il dédit à "deux amis qui sont au ciel".

Sources : d'après Neil Young lui-même dans le RollingStone n°284 de Février 1979.




Epilogue : quand ré-écrire l'histoire construit une vérité.

- Van Sant : "We wrote Sweet Home Alabama as a joke. We didn't even think about it - the words just came out that way. We just laughed like hell, and said 'Ain't that funny'... We love Neil Young, we love his music..."

- Neil Young : "Oh, they didn't really put me down! But then again, maybe they did! (laughs) But not in a way that matters. Shit, I think Sweet Home Alabama is a great song "

D'après cette mine d'informations sur Neil Young, où tout est sourcé.

Et encore d'après cette source (dans Wikipedia US) : "Young's first live performance following Van Zant's death [included] Sweet Home Alabama. Finally, one of the last photos of Ronnie Van Zant [...] features the frontman wearing a Neil Young T-shirt."

Pour une fois que ça se finit (presque) bien, faudrait peut-être arrêter de dire des conneries.
Juste pour une fois.





Pour aller plus loin :


Ce mois-ci sort le nouvel album de Neil Youngs : Chrome Dreams II.
Y'a-t-il un Chrome Dreams I dans la discographie du Canadien ?

Non. En tout cas pas officiellement... car en fait, cet album a bien existé. Mais Neil Young en a refusé la publication pour des raisons trop complexes à détailler ici mais parfaitement exposées dans ce billet remarquable de ce très bon blogue.

Il fut réalisé en pleine période qui nous intéresse (1977) et contenait... devinez quoi... les premières versions de... Captain Kennedy, Sedan Delivery et Powderfinger.

Malheureusement, ce bootleg est introuvable aujourd'hui.
La preuve de son existence n'a été apportée que dans les années 90 avec l'apparition sur un marché aux puces allemand de son enregistrement original en version pirate.

Ceci dit le blogue que je vous ai conseillé ci-dessus est très bien documenté et comporte de nombreuses photos et autres illustrations... tout ça...



Pour aller encore plus loin :


Un site agrégeant les paroles de toute l'œuvre de Neil Young.

Tous ses albums sont disponibles sur Amazon (com ou fr) ou sur Alapage, ou etc.
Idem pour ceux de Lynyrd Skynyrd.




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