lundi, septembre 18, 2006

Rock n' Kop : Liverpool La Légendaire (2)

La rencontre entre Rock et football est le fruit d'une étrange alchimie entre une tribune (le Kop), une ville (Liverpool), et la Beatles-mania. La magie opère encore.

1962. La tribune est pleine.

Elle pue la sueur.
Tous debout. Les chairs humaines se compressent.
Des rafales de vent battent des visages détrempés et des bouches, crispées par l'enjeu, libèrent leurs vapeurs de bière et d'alcool.
Certains, ne pouvant se retenir, urinent dans leur pinte en plastique et la déverse à même le sol, préférant cette solution à une hypothétique bousculade pour se soulager dans des pissotières, de toute façon inatteignables.



Par excitation, les spectateurs des tribunes latérales se lèvent et se rassoient. Les strapontins s'entrechoquent. Le bois du stade craque.
Et pour tout son humain dans ce temps de chien : des exclamations et des murmures. Continus. Anxieux.

Puis, un chant.

Un homme, seul, déchire le silence d'Anfield.
Puis deux, surpris mais séduits par l'idée, puis dix. Puis cent.
Puis tous.
Journalistes, joueurs et adversaires sont estomaqués.
Le stade bouge. Il bouge réellement. Pour la première fois de l'histoire du football européen, le bois ne craque plus.
Il vibre.



1962 donc.

La période est assez faste pour Liverpool. Certes on n'y roule pas sur l'or mais l'industrie portuaire se porte encore bien. La classe ouvrière, majoritaire, survit et donne à la ville du Nord sa forte identité. Et comme beaucoup parmi ses travailleurs sont d'origine Irlandaise, Liverpool est à peu près la seule ville anglaise prolétaire "presque Celte".
"Presque chanteurs dans le sang" aussi donc.

En football, depuis 1954, le club végète en deuxième division.
Véritable machine à gagner au début du siècle, l'équipe incarne l'honneur perdu de la ville et lors de ces 8 longues années au purgatoire, le public, fidèle, continue à venir en masse (des pics de 60.000 spectateurs restent dans les annales).

Mais en 62, le FC Liverpool gagne le championnat de 2ème division. Retour en Premiere League.
Enfin.

Un bonheur n'arrive jamais seul. La même année, 4 garçons jusqu'alors inconnus sortent leur premier simple, "My Bonnie", puis "Love Me Do", puis "From me to you". Puis les tubes s'enchaînent.
Les Beatles triomphent. Le club gagne. Nous sommes en 1963.
A Anfield, tout se mélange : 25.000 personnes entonnent spontanément "She Loves You".

Avant cette date, on ne chantait pas dans un stade. On crie. On scande. On psalmodie. Mais on ne chante pas.

Avec le Kop, tout change. Son identité Irlandaise, tellement encline au chant, rejaillit.
Dans un premier temps, les supporters de Liverpool reprennent le Top 10 hebdomadaire des radios locales. Puis, comme il est copié, le Kop invente encore. Il tente l'improvisation collective.

Ce qui paraît évident ne l'est en fait pas. Chanter seul des paroles que l'on improvise est une chose. Mais chanter à 25.000 un texte qui n'existe pas encore relève du défi.
Et c'est là tout le prestige de ce Kop : avoir osé faire mieux que de reproduire ce qui passait à la radio.
Bien sûr, le résultat n'est jamais un chef d'oeuvre de poésie. Mais tout de même.

A la première modification de paroles ("When The Saints Go Marchin' In'" devenu "When The Reds Go Marchin' In") succèdent une multitude d'airs.
Et parmi ces airs, un refrain que le monde va massacrer : ce morceau. On aura reconnu... Yellow Submarine.


Le monde entier sauf Liverpool. Car là où un club français entonne, pour que tout le monde puisse suivre, un simpliste et répétitif "Allez Machin, allez, allez, allez...", ce Kop "presque Celte", pourtant au balbutiement du genre, reprend le titre dans son intégralité et improvise "Red & White Kop", texte de plus de 20 lignes, mélange d'amour sans borne pour le club, d'identification fusionnelle à la ville et clin d'oeil fraternel à leurs Fab Four.

De leur coté, en cette période de première incursion du rock dans une tribune populaire, "les Beatles devaient être, et assez étrangement pour une ville aussi obsédée par le football, les quatre seuls mecs de Liverpool à n'avoir aucun intérêt pour ce sport."(1)



(1) extrait traduit de la page "Red And White Kop" du site officiel du Liverpool FC.

Voir aussi la video du Kop reprenant "She Loves You", en 1963, à la fin du premier article de la série "Rock and Foot".

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